Une classe de Seconde GATL du lycée Jean Talon de Châlons-en-Champagne a redécouvert sa ville le 9 décembre 2019 lors d’un parcours citoyen intitulé « Un Tour pour la laïcité à Châlons », entre lieux de culte et institutions de la République, inspiré du rallye interculte, une action phare du Mois de l’Autre. Un projet sur la longueur, mené conjointement avec la LICRA châlonnaise, qui fera étape à la clôture du Mois de l’Autre le 7 avril pour un témoignage qu’on imagine fort en émotions et en réflexions citoyennes.
Le 9 décembre dernier, un drôle de cortège a arpenté les rues pluvieuses de Châlons-en-Champagne. Une classe de Seconde GATL (Gestion Administration Transport et Logistique) du lycée Jean Talon, escortée par ses professeures, une conseillère principale d’orientation et la présidente de la LICRA, s’est rendue dans les institutions et les lieux de culte de la ville avec un objectif simple : comprendre les liens entre République et laïcité.
À l’heure où pullulent sur les réseaux sociaux des propos xénophobes et où les médias abondent d’actes antisémites perpétrés partout en France, une petite piqûre de rappel semble la bienvenue. « Sur les réseaux sociaux entre jeunes, on débat aussi sur les événements liés à l’antisémitisme, explique Jade, élève de GATL au lycée Jean Talon. Certaines personnes sont assez violentes dans leurs prises de position sur la religion. »
Ce beau projet ne tient pas uniquement sa genèse dans l’actualité, mais plutôt dans une collaboration de longue date et dont on n’est pas près de voir le bout entre la LICRA et le lycée Jean Talon. Engagé notamment sur les questions de l’égalité filles-garçons et de la lutte contre le harcèlement, ce lycée polyvalent ne manque pas de créativité pour construire des actions de sensibilisation pour et par les élèves. L’année dernière, la LICRA est intervenue le temps d’un atelier durant le tournoi de football citoyen, qui comportait la particularité de proposer un match 100% féminin. Le duo fonctionnant à merveille, ils ont décidé de travailler ensemble sur la thématique de la laïcité, qu’on a retrouvée en première page du catalogue du Mois de l’Autre quelques mois plus tard.
Nelly Beaufort, présidente de la LICRA de Châlons-en-Champagne, développe ses objectifs : « Les valeurs républicaines sont le socle de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Nous à la LICRA, on lutte contre tout ce qui se dit de faux sur la laïcité, en rappelant que c’est la loi et qu’elle garantit la liberté de culte. Aujourd’hui encore on tue des gens parce qu’ils sont juifs, donc on fait de la sensibilisation autour de ça. Le but c’est de faire réfléchir les élèves sur ce qu’est l’autre, sur la cohabitation, et de leur faire prendre conscience qu’ils vont être confrontés à des situations de discrimination et qu’il faudra lutter contre leurs préjugés. Nos actions représentent certes une goutte d’eau dans la mer mais quand on voit le résultat positif, on se dit qu’il faudrait multiplier ça. On s’aperçoit que les élèves ont des réactions très riches, très positives, ça donne beaucoup d’espoir. L’important, c’est de travailler en profondeur et sur la durée, de valoriser leur travail. »
Pas question, en effet, de laisser « les seuls adultes » aux manettes de ce projet ! Avec l’aide de la LICRA, de leurs professeures et de leur CPE, les élèves du CVL ont réfléchi dès juin un projet de « Tour pour la laïcité », une version 2.0 du rallye interculte (organisé l’année dernière à Strasbourg dans le cadre du Mois de l’Autre), qu’ils ont mis entre les mains des nouveaux arrivants de 2019-2020, la Seconde GATL du lycée. Spécialisée dans la gestion et la logique, cette classe a donc pu mettre en pratique ses compétences lors de l’organisation de ce parcours citoyen. Pour Inès, l’expérience était très intéressante : « On a découvert beaucoup de choses et ça changeait de ce qu’on a l’habitude de faire en cours. »
Le jour-J, le 9 décembre 2019 (c’est-à-dire à l’occasion de la journée internationale de la laïcité), la météo désastreuse n’a pas entaché la bonne humeur des lycéens. Au programme, visite de la préfecture et plus précisément de la salle opérationnelle des cellules de crise, de la mairie, du tribunal, de la synagogue, du temple protestant, de la cathédrale et de la mosquée, ainsi qu’un arrêt (éclair étant donné le temps) devant le buste de Léon Bourgeois, politicien Châlonnais, prix Nobel de la Paix. « Certains élèves n’avaient jamais mis les pieds dans une cathédrale ou dans une mosquée, commente Nelly Beaufort. On a voulu montrer que les lieux de culte c’est aussi un bien commun : il y a la religion mais il y a aussi la valeur patrimoniale, historique et artistique. »
Les rencontres avec les représentants des lieux de culte (« un accueil pédagogique » souligne la présidente de la LICRA châlonnaise) et des institutions de la République ont donné lieu à des questions toutes plus pertinentes les unes que les autres mais aussi à des émotions fortes. « Quand on était à la synagogue, l’homme qui présidait le culte m’a touchée quand il parlait de la Shoah, raconte Chloé Haine, vice-présidente du CVL. On sentait qu’il était vraiment content d’occuper son poste. On a appris plein de choses, on a eu des réponses à des questions qu’on n’aurait pas pensé se poser. » Un groupe loin de la passivité donc, puisqu’ils étaient également occupés à remplir un questionnaire à visée pédagogique préparé par Jessica Qunehen, leur professeure d’instruction civique.
Très fière des élèves participant au projet, Jamila Benwadih, conseillère principale d’orientation et référente vie lycéenne, confie les raisons qui l’ont poussée à mener à bien cette action : « C’est dans leur parcours de citoyen. Quand ils seront adultes, il faut qu’ils soient responsables de leurs actes, respectueux de l’autre dans sa diversité. On forme des futurs citoyens avertis, c’est un investissement pour demain ces jeunes-là. Quand ils sont sur le terrain, qu’ils font les choses, ils comprennent le sens qu’on veut leur transmettre dans leurs cours. » Et en effet, le message semble être bien passé ! Pour Jade Rupt, membre du CAVL ce qu’il faut retenir de cette journée, c’est « que toutes les cultures se ressemblent, même si elles sont différentes, et qu’elles doivent toutes être respectées. Elles nous unissent en fait, la différence nous unit. »
Et après ? L’expérience ne s’arrête pas là, au contraire. Tandis que l’exposition « La Laïcité en questions », prêtée par la LICRA, ornera les murs du lycée, la classe de Seconde GATL va travailler à la restitution de ce parcours au travers d’un concours d’affiches et de la création d’une vidéo. « À terme, tout l’établissement sera sensibilisé, ça vaut un réseau social ça ! » ironise Nelly Beaufort. Les élèves seront également présents à la clôture du Mois de l’Autre le 7 avril à Strasbourg pour témoigner de ce qu’ils ont vécu. Un témoignage essentiel pour certains, comme Steve : « C’est nous la jeunesse, c’est à nous de prendre en main ce que les anciens ont laissé et de transmettre ce qui est à transmettre. »
Pas d’inquiétude donc pour les futurs étudiants ; au lycée Jean Talon, le flambeau est bien gardé.
Article rédigé par Manon Fabra-Defrene, Volontaire en Service Civique au sein de la Région Grand Est