En ce mois de mai, les fruits et légumes se multiplient sur les étals et nous nous réjouissons de pouvoir manger à nouveau tous ces bons produits de soleil. Pour ça, rien de plus simple : aller chez son dealer de fruits, choisir son produit et sortir le porte-monnaie. Avec ce système, on est très facilement déconnectés de la terre, d’où toute cette bonne nourriture provient pourtant toujours (eh oui).
Aussi, nous avons tendance à déléguer cette lourde responsabilité de nous nourrir à nos agriculteurs et à nous faciliter la vie en allant au supermarché. Or, avec l’évolution de la société (industrialisation et modernisation), ceux-ci subissent de plus en plus de pressions notamment en France, premier pays de production agricole en Europe.
Pourquoi une telle évolution ?
En 1955, les deux tiers de la population française étaient composés d’agriculteurs. Aujourd’hui, nous en sommes à 2%. Aucun autre secteur n’a connu une telle baisse d’activité, qui est liée à une évolution sociale et par la modification des rapports au vivant :
Une évolution sociale :
D’une part, les phénomènes d’urbanisation puis de rurbanisation ont conduit les jeunes à se rendre vers les villes et abandonner des pratiques plus rurales comme l’agriculture. Mais d’autre part, les jeunes agriculteurs ont montré une envie forte d’accéder à une vie sociale urbaine et salariée. Ce deuxième point passe par une entrée de la technologie moderne dans les fermes et une mécanisation des pratiques afin de soulager des contraintes fortes que demande le travail d’éleveur ou d’agriculteur.
La modification profonde des rapports au vivant :
Aujourd’hui, (et je vous en ai déjà parlé), on observe une déconnexion importante de l’Homme par rapport à la Nature. Par exemple, la viande que l’on mange est tuée loin de nos yeux pour des questions d’hygiène mais aussi de confort. Les technologies permettent de tenter de domestiquer des contraintes naturelles jusqu’à celle des saisons et de la journée de travail en automatisant et autonomisant un maximum de tâches.
Quelle situation actuelle ?
Pour répondre aux objectifs de rentabilité face à des prix bas , les agriculteurs et les éleveurs sont dépendants de machines lourdes et chères. Ils sont devenus techniciens plus que fermiers au sens traditionnel. Ces méthodes sont absolument nécessaires pour maintenir un taux de production viable, puisque 27 millions d’ha du territoire français, soit presque la moitié, est destiné à la culture avec peu de main d’œuvre. Dès lors, le temps manque pour une véritable expertise des plantes, des animaux et des sols. Ces tâches sont confiées à des sociétés de conseil qui détiennent le savoir et dont les agriculteurs dépendent également.
Il y a aussi la question bien connue des intermédiaires, plus il y en a entre la source et l’arrivée, plus il y a de personnes à payer. Or, puisque le consommateur choisit le produit le moins cher, la pression se fait au niveau de l’achat à l’agriculteur. Aussi, nous sommes actuellement dans un cadre de concurrence mondiale. Les marques peuvent facilement bénéficier de main d’œuvre peu coûteuse et influer à la baisse sur les prix pour une plus grande attractivité ou au contraire bénéficier d’une marge plus importante de manière à asseoir leur position sur le marché par d’autres moyens (la communication par exemple).

Pourquoi c’est problématique ?
La profession subit donc une multitude de pressions de toutes parts (rentabilité, productivité, respect des règles françaises et européennes) qui rend la position de plus en plus difficile à tenir, alors que celle-ci permet de pourvoir à un besoin primaire et vital.
On assiste aussi à une complexité de gestion au quotidien pour les agriculteurs, qui sont a la fois propriétaire d’une terre et ont une activité d’utilité générale il y a donc parfois un conflit entre ces deux facette . Or, des études ont montré que labourer un champ en profondeur entrainait une déstructuration du sol et de ses habitants (composteurs notamment). En conséquent, le sol est plus friable et sensible aux pluies : les coulées de boues et inondations sont facilitées par exemple ( Uniquement sur les sols argileux. Ceci peut être contré par la mise en place de haie ), dans une société qui a perdu sa culture du risque et qui est fragile face à de tels événements.
Qu’est-ce que je peux faire ?

Privilégier les circuits courts et le bio pour soutenir les agriculteurs locaux avec le moins d’intermédiaires possibles, c’est le premier pas vers la re-reconnaissance de la profession. C’est une telle reconnaissance qu’il manque pour une indépendance des agriculteurs faces aux grandes marques qui absorbent tous les bénéfices et le travail de ces derniers.
Choisir des produits avec un label éthique est également une démarche importante, mais attention au green washing ! Aujourd’hui, de nombreuses marques profitent de l’engouement écolo pour vendre plus en inventant des labels qui ne sont pas contrôlés. Il faut se fier aux recommandations officielles ou d’associations de protection de l’environnement et non aux marques directement.
Ne pas les gaspiller permet de rentabiliser au maximum ces produits et pousse à ne pas les engendrer en excès, soulageant la contrainte de productivité des agriculteurs. On jette un tiers de la nourriture que l’on produit dans le monde, et si en Europe on a la chance de pouvoir se le permettre financièrement, n’oublions pas qu’il est toujours possible de garder nos restes pour une autre fois ou d’emporter chez soi les plats non terminés à l’extérieur par exemple.
Sensibiliser nos proches (et moins proches, ne nous limitons pas) à la réalité de la situation et les inciter à nous suivre dans ce changement d’habitudes, même si ça peut secouer un peu. Une évolution pareille gagnerait à se généraliser à l’ensemble de la société, pour sa propre pérennité. Promouvoir une croissance perpétuelle dans un monde fini ne répond à aucun sens logique et c’est pourtant ce à quoi on participe tous en consommant des produits venus par avion ou qui nécessitent un fort apport en intrants (engrais et pesticides) pour pousser chez nous.
Attention : La semaine dernière, un rapport alarmant est paru sur l’état de la biodiversité : on parle de la possibilité d’extinction d’une espèce vivante sur 8, soit un million, durant les prochaines décennies. Les scientifiques affirment que tous ces thèmes dont on parle actuellement (climat, énergies, biodiversité) sont intimement liés et que leur prise en compte politique est urgente et compatible. Les jeunes ont beau effectuer des « rendus de copies » et des leçons au gouvernement tous les vendredis en proposant différentes voies d’amélioration à chaque fois, l’absence de réaction forte et contraignante est généralisée et demande un engouement de plus en plus important de la part des particuliers, à défaut manifeste de prise en compte à un niveau supérieur. Nos actions ont véritablement un impact sur notre environnement, de plus en plus fragile. Si nous estimons que nous en sommes les maîtres, nous nous devons d’en assurer une continuité à défaut d’une diversité déjà vacillante.
Je vous parle de faits provenant d’études sur le sujet, et cette gazette se veut informative et positive. Mais nous arrivons à un stade où il devient essentiel d’agir sur un maximum de fronts et de sensibiliser un maximum de personnes.
On peut compter sur vous pour nous filer un petit coup de pouce alors ?

Pour aller plus loin :
Le rapport sur l’état de la biodiversité de l’IPBES : https://reporterre.net/Pour-eviter-l-effondrement-du-vivant-il-faut-changer-l-agriculture-et-l et https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
Les labels sûrs : https://www.notre-planete.info/ecologie/eco-citoyen/labels_ecologiques.php
Le green washing : Film L’illusion verte de Werner Boote, 2018
Toutes les actualités sur l’agroécologie : https://www.actu-environnement.com/agroecologie/
Retours sur « La Fin des Paysans » rédigé par Henry Mendras en 1967 : https://www.lemonde.fr/idees/article/2008/08/01/la-fin-des-paysans-par-laetitia-clavreul_1079462_3232.html et https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-idees/la-fin-des-paysans
Etude d’un scénario tout bio en Europe : https://reporterre.net/Avec-l-agroecologie-ce-qui-est-bon-pour-la-biodiversite-l-est-pour-le-climat
Article rédigé par Cécile Scherer, volontaire en Service Civique (crédit photo)
